jeudi 13 décembre 2018

  La jalousie d'Alain Robbe Grillet comme un Nouveau roman
              Par Idiahi Daniel (Professeur Dan)
                   @  monfrancais101.blogspot.com

Photo by  (c) creative common zero (cco)



     



















  L'INTRODUCTION
           
                La jalousie est un roman publié en 1957 par Alain Robbe Grillet aux Édition de Minuit.Il fait partie de Nouveau Roman qui a été employé par Émile Henriot dans un article qu'il a fait publié dans Le Monde de 22 mai 1957 pour décrire la nouveauté des œuvres romanesque d'Alain Robbe Griller.Le nom suggère qu'il est le refus de la forme traditionnelle du roman classique. Le nouveau roman présente une différence nette par rapport aux romans intérieurs,les romans avant cet époque.
                Selon Maurice Nadeau,le Nouveau Roman est défini comme
            << Une appellation commode mise en circulation par les
                 journalistes,pour désigner un certain nombre de tentative qui
                 dans l'anarchie des recherches individuelles, ont convergé dans
                 le refus de certaines formes romanesque (...) au profit d'un
                 discours qui se preoccuperait moins des conventions du genre
                 que d'une réalité particulière à exprimer. Quelle réalité ? A  partir
                 de là les opinions divergent.
                                                                    Maurice Nadeau.

                Le refus de la forme traditionnelle comme la forme, l'histoire, l'engagement, l'organisation linéaire etc rendent ses romans très difficile à lire.Donc, La jalousie comme un produit du Nouveau Roman est très difficile à lire à cause de son refus du style du roman classique.Nous allons discuter profondément les raisons pour lesquels La jalousie est difficile à lire.



LA VIE D’ALAIN ROBBE-GRILLET
Né le 18 août1922 à Brest (Finistère) et décédé le 18 février 2008 à Caen (Calvados) est un romancier et cinéaste français. Considéré comme le chef de file du Nouveau Roman, il a été élu à l'Académie française le 25 mars 2004 sans être reçu. Son épouse est la romancière Catherine Robbe-Grillet, dont le nom de plume est Jeanne de Berg. Fils d'ingénieur, Alain Robbe-Grillet suit ses études au lycée Buffon, à celui de Brest, puis au lycée Saint-Louis. Il entre à l'Institut national agronomique à Paris, dont il sort, diplômé ingénieur agronome puis est envoyé au STO à Nuremberg. À son retour en 1945, il est chargé de mission à l'Institut national de la statique à Paris, puis ingénieur à partir de 1949 à l'Institut des fruits et agrumes coloniaux, au Maroc, en Guinée française, à la Martinique et à la Guadeloupe (1949-1951). Il se consacre ensuite à la littérature. Son premier roman, Les Gommes, parait en 1953 aux Editions de Minuit et Roland Barthes lui consacre un article dans Critique. Se liant d'amitié avec Jérôme Lindon, directeur des éditions de Minuit, il en devient conseiller littéraire entre 1955 et 1985. On considère parfois Les Gommes comme le premier «Nouveau Roman», mais l'expression n'apparaît que quelques années plus tard, sous la plume d'un critique. En 1963 paraît Pour un Nouveau Roman, recueil d'articles de Robbe-Grillet publiés notamment dans L’Express. Il se fait ainsi en quelque sorte le théoricien de ce mouvement littéraire. On le qualifia souvent de «Pape du Nouveau roman». Il travaille également pour le cinéma, notamment sur le scénario de L’Année dernière à Marienbad, réalisé par Alain Resnais en1961. Les films qu'il a réalisés oscillent ensuite entre érotisme et sadomasochisme. Il était connu pour être un adepte du sadomasochisme, comme sa femme Catherine Robbe-Grillet. Il participe également au Haut comité pour la défense et l´expansion de la langue française entre 1966 et 1968. De 1972 à1997, Alain Robbe-Grillet enseigne aux Etats-Unis, à l'université de New York (NYU) et à la Washington University de Saint-Louis (Missouri), et dirige le Centre de sociologie de la littérature à l´université de Bruxelles entre 1980 et1988. Élu à l'Académie française au 32e fauteuil, succédant à Maurice Rheims, le 25 mars 2004, il n'a jamais prononcé son discours de réception, refusant le port de l'habit vert et cette tradition, qu'il considérait comme dépassée, provoquant ainsi l'impatience des autres immortels. Son décès ayant eu lieu avant que le problème ne trouve de solution, il n'a jamais siégé à l'Académie française.
Installé au Mesnil-au-Grain (Calvados) à partir de 1963, il y écrit la plupart de ses livres et consacre sa formation d'agronome au parc du château du XVII° siècle. Plus tard, il travaille avec l'Institut mémoires de l’édition contemporaine ouvert en 2003 à Caen, où il dépose ses archives et dont il a fait du directeur son légataire universel. Alain Robbe-Grillet meurt à Caen dans la nuit du 17 au18 février 2008 d'une crise cardiaque.

RESUME DE LA JALOUSIE
La Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois personnages ayant pour cadre une maison coloniale. Le mari soupçonne une relation entre sa femme et leur voisin. Le choix du titre est intéressant puisque le mot jalousie a un double sens. D’abord, le mot signifie le sentiment fort du mari qui soupçonne l’infidélité de sa femme. Puis, il signifie aussi cette sorte de rideau en bois à travers de lequel il peut épier sa femme sans être vu.
L’histoire est présentée du point de vue d’un narrateur. Tout au long du texte, le mari épie sa femme d’une manière obsédée. Il reste paralysé en observant sa femme à différents moments dans leur maison. Les personnages mènent une vie monotone dans la maison coloniale et il y a peu d’action dans l’histoire. L’espace est réduit à la maison et le narrateur ne s’y déplace jamais.
Dans ce roman, Robbe-Grillet n’utilise pas la technique traditionnelle du roman. Il expérimente une nouvelle technique qui demande un engagement du lecteur. Il ne décrit pas les personnages de la manière traditionnelle. Le lecteur crée le portrait des personnages par la description de leurs gestes et dialogues observés par le narrateur.

A LECTURE NEUROCOGNITIVE
Neurocognitive est défini en science, relative à l’apprentissage en relation avec le développement cérébral, les fonctions mentales.
Une fenêtre s’ouvre sur le paysage. Elle cadre des scènes humaines. La fenêtre est recouverte d’une jalousie dont les lames cachent partiellement les détails du paysage et des scènes. La vision à travers cette fenêtre possède de nombreux points aveugles – de nombreuses bandes qui empêchent de voir. La profusion de ces bandes incite la description à adopter un fonctionnement rappelant celui de la rétine et son point aveugle (celui où elle entre en connexion avec le nerf optique): le cerveau remplit cette cécité avec de l’information venant de l’image visuelle des alentours de ce point, tout en cherchant de la cohérence. Mais il arrive parfois que dans le point aveugle l’on puisse voir des images sans relation avec l’entourage et qui seraient dues à d’autres aires cérébrales. Cette capacité qui nous permet d’imaginer ou de supposer ce qui a lieu dans la tête des autres. Certes, en tant que nous sommes doués de capacités cognitives supérieures, nous pourrions réfléchir sur ce que nous avons perçu, et déduire les éventuelles intentions, attentes ou motivations qui donneraient la raison des actions accomplies par les autres. Toutefois, notre cerveau est capable de comprendre ces dernières immédiatement, de les reconnaître sans avoir recours à aucun type de raisonnement, en se fondant uniquement sur ses propres compétences motrices. S’il est vrai que la compréhension de ces actions est d’ordre uniquement pragmatique et non pas sémantique, il n’en est pas moins vrai que «l’interaction continue entre perception et action… joue un rôle décisif dans la constitution du sens des objets, qui est le socle d’une grande partie des fonctions dites cognitives “d’ordre supérieur” ». Et, de fait, selon Alain Berthoz, «la perception n’est pas une représentation : c’est une action simulée et projetée sur le monde».
Le narrateur de La Jalousie fait appel de la sorte à lui-même pour comprendre ce qui passe par la tête de ceux qu’il observe. Le narrateur secrètement jaloux ne spécule pas mais fait appel à la description spéculaire. Alors, l’intrigue du roman (l’arrangement des évènements) peut être saisie seulement mentalement. En tant qu’il n’y a pas de continuité de l’intrigue, c’est avec le cerveau que le lecteur peut comprendre et arranger ces événements.




L'INTRIGUE
Les nouveaux romanciers considèrent le temps non plus seulement comme le simple cadre de l'action, mais comme un élément de réflexion consubstantiel au roman. Une chronologie étrangement perturbée, dans laquelle certains événements ne suivent pas l’ordre logique. La manipulation de la temporalité, typiquement robbegrilletienne, témoigne d’une décision de rejeter une temporalité linéaire pour en adopter une qui fait preuve des nombreux renversements d’ordre temporel qu’effectue l’esprit. Le roman de Robbe-Grillet autorise, grâce à la conscience du narrateur, une circulation entre le passé et le présent. Nous avons remarqué les «maintenant» sur quoi s’ouvre La Jalousie. Ce petit mot ne doit pas être pris dans un sens relatif, qui l’opposerait à «hier» ou à «demain». C’est un maintenant absolu. Le monde réduit à l’état du spectacle ne possède pas lui-même ni passé ni avenir. S’il se présente au regard, c’est qu’il est un présent perpétuel. Comme dit Robbe-Grillet à propos de La Jalousie, toute scène est pour le narrateur «actuelle ou perdue». Il n’y a pas de succession, de chronologie repérable. En lisant ce livre au fil des pages, nous trouvons que le récit n’est pas bien clair. L’auteur ne respecte pas la construction traditionnelle, le désordre et la discontinuité de la chronologie dérangent notre lecture. Encore, ne repérons-nous aucune «succession des événements»  qui ordonnerait une succession chronologique des événements orientée vers une fin. En guise d’exemple, citons la première transition anti-chronologique qui se fait dans le roman, un raccourci de la structure du roman, qui suit avec des rappels, des répétitions et des scènes à venir. C’est au moment où A… se trouve dans sa chambre, tenant la lettre dans sa main et soudain on apprend que Franck est à la terrasse dans son fauteuil et que A… est allée apporter des verres.
«…Franck est assis dans son fauteuil. A…, qui est allée chercher elle-même, les boissons, dépose le plateau chargé sur la table basse» (p.105).
Nous sommes en effet transportés à l’épisode de la glace sous forme de résumé. Ce qui s’ajoute c’est l’apparition dans la poche de Franck d’une lettre écrite sur le même papier bleu pâle. Il s’agit donc d’une scène déjà vécue dans la mémoire du narrateur. Il en est de même avec l’apaisement final qui serait le retour de l’héroïne à la plantation malgré la crainte du narrateur d’être abandonné. Aussi dans la quatrième partie du roman, l’ordre chronologique est en spiral. Aux pages 81 à 82, A... et Franck prennent l’apéritif, discutent le temps du départ pour la ville et critiquent le roman africain qu’ils ont déjà lu.
«Ils boivent à petites gorgées.
-Si tout va bien, dit Franck, nous pourrions être en ville vers dix heures et avoir déjà pas mal de temps avant le déjeuner.
-Bien sûr, je préfère aussi", dit A....
Ils boivent à petites gorgées.
Ensuite ils parlent d'autre chose. Ils ont achevé maintenant l'un comme l'autre la lecture de ce livre qui les occupe depuis quelque temps.» (p.81- 82).
Aux pages 84 à 87, Franck discute la panne qu’il a rencontré en ville avec
A…, c’est évident qu’ils sont déjà revenus de la ville.
«" Nous étions partis à l'heure prévue et nous avion roulé sans incident... En un sens, il aurait mieux valu que la panne se produise tout de suite, avant le déjeuner. Pas pendant le voyage.» (p.84)
Mais aux pages 90 à 93, ils discutent de nouveau leur programme de voyage en ville et le roman africain qu’ils sont en train de lire.
«Franck et A...., assis chacun à sa place, parlent du voyage en ville qu'ils ont l'intention de faire ensemble, dans le courant de la semaine suivante.» (p.90).
A la page 94, A... dit:
«Ça m’a donné faim, la route», et «elle s’enquiert ensuite des événements éventuels survenus à la plantation pendant son absence.»
Tous ces détails manifestent qu’elle est allée en ville avec Franck et vient de rentrer, et puis à la page 98, vers la fin de cette partie, A... et Franck continuent de discuter du jour qui conviendrait le mieux au petit voyage en ville qu’ils ont projeté depuis la veille.
«Elle et Franck, assis dans leurs deux fauteuils, y continuent de discuter, à bâtons rompus, du jour qui conviendrait le mieux à ce petit voyage en ville qu'ils ont projeté depuis la veille.» (p.98)
Encore un exemple, dans la sixième section du roman, aux pages 189 à 193, en prenant l’apéritif, A... et Franck discutent leur voyage en ville et le roman africain que A... est en train de lire.
«Franck et A... sont en train de boire l'apéritif, renversés en arrière dans leurs deux fauteuils coutumiers, sous la fenêtre du bureau. Ils ont déjà fixé l'heure du départ ainsi que celle du retour, supputé la durée approximative des trajets, calculé le temps dont ils disposeront pour leurs affaires». (p.198)
Aux pages 197 à 198, Franck reste à prendre le déjeuner et parle de la panne, et il mentionne qu’ils ne parlent jamais de la nuit qu’ils ont passés ensemble en ville, c’est-à-dire, ils ont fini le voyage en ville.
«Pour le déjeuner Franck est encore là, loquace et affable. Celui-ci devrait, à ce moment, faire une allusion à l'incident analogue qui s'est produit en ville lors de son voyage avec A...., incident sans gravité, mais qui a retardé d'une nuit entière leur retour à la plantation .Le rapprochement serait plus que normal. Franck s'abstient de le faire...Ils n'ont d'ailleurs jamais reparlé de cette nuit du moins lorsqu'ils ne sont pas seuls ensemble.» (p. 197-198).
Aux pages 203 à205, A... et Franck viennent de revenir de la ville, Franck rentre chez lui pour voir sa femme,
«A... et Franck en descendent en même temps, lui d'un côté, elle de l'autre, par les deux portières avant. Ils sourient en même temps, du même sourire, quand la porte s'ouvre. A ... se retire aussitôt dans sa chambre, prend un bain, change de robe, déjeune de bon appétit.» (p. 203-205)
Mais à la page 207, au cours du dîner, A... et Franck font le projet de descendre ensemble en ville.
«Au cours du dîner, Franck et A... font le projet de descendre ensemble en ville, un jour prochain, pour des affaires séparées.» (p.207)
Le roman nous raconte une histoire sans intrigue, il est composé d'événements ordinaires mais sans aucune liaison, qui se présentent comme des fragments de la réalité. Même deux paragraphes, qui se suivent, n’ont entre eux aucun lien chronologique et il est totalement impossible qu’ils se trouvent sur le même plan de réalité :
«…Les fenêtres de la chambre sont fermées. A… n’est pas encore levée, à cette heure-ci».
«Elle est partie très tôt, ce matin, afin de disposer du temps nécessaire à ses courses et de pouvoir cependant revenir le soir même à la plantation» (p.179)
En lisant ces deux paragraphes, c’est très difficile pour nous de distinguer la relation chronologique entre eux. A... n’est pas encore levée dans le premier paragraphe, mais au début du paragraphe suivant, on lit qu’elle est partie très tôt, cela signifie que A... est descendue déjà en ville avec Franck. Encore un exemple :
«La table est mise pour une seule personne. Il va falloir ajouter le couvert de A… Sur le mur nu, la trace du mille-pattes écrasé est encore parfaitement visible. Rien n’a dû être tenté pour éclaircir la tâche, de peur d’abîmer la belle peinture mate, non lavable, probablement».
«La table est mise pour trois personnes, selon la disposition coutumière...Franck et A…, assis chacun à sa place, parlent du voyage en ville qu’ils ont l’intention de faire ensemble,…» (p.90)
A... est déjà allée en ville et vient de rentrer chez elle, mais au troisième paragraphe, A et Franck discutent encore leur programme de voyage en ville, cet épisode est selon la description du premier paragraphe et le contenu précédent, on apprend qu'il y a contradiction avec celui du premier. Et au deuxième paragraphe, l’écrivain insère encore la description de la trace du mille-pattes. Ces trois paragraphes rend le lecteur très perplexe de trouver la liaison logique et chronologique.

 LA DESCRIPTION TEMPORELLE
Le déroulement des événements n’est pas présenté dans un ordre temporel. De plus, le narrateur semble répéter les mêmes scènes plusieurs fois. Contrairement au roman traditionnel, le narrateur utilise le présent dans la plus grande partie du texte, mais on ne sait pas exactement à quel moment du présent le narrateur se trouve. Puis, le récit semble suivre une structure cyclique. La fin ressemble au début du roman et les mêmes actes se répètent aux mêmes endroits. Le lecteur s’interroge sur le fonctionnement de la présentation des événements. Quel rôle joue la présentation anachronique pour la compréhension de l’œuvre ? On met aussi en question les descriptions détaillées qui peuvent occuper plusieurs pages dans le texte.
Le déroulement des événements n’est pas présenté dans l’ordre du temps.
L’enchaînement des faits n’est pas lié par une causalité. La présentation des moments suit l’ordre survenu dans la tête du narrateur. Le narrateur reprend des événements en se rappelant les différentes situations. Pourtant, les reprises se distinguent un peu les unes des autres, même s’il s’agit d’une même scène. Il répète des moments différents en les mélangeant selon son interprétation jalouse de la situation. Son angoisse d’une affaire entre sa femme et Franck est aussi forte qu’il répète sans cesse les différentes scènes. C’est donc à partir d’un déroulement très subjectif présenté par le narrateur, que le lecteur s’imagine l’histoire. Comme le dit Bakhtine pour le temps dostoïevskien, le temps dans La
Jalousie « n’est nullement tragique…, ni épique, ni biographique. C’est un temps carnavalisé spécial, détaché en quelque sorte du temps historique; il se déroule selon ses propres lois carnavalesques, et peut englober une quantité infinie de changements et de métamorphoses». Utilisant des indices, l’écrivain nous fait entrer dans son univers temporel où prédomine la désorganisation, puisque La Jalousie est un chaos temporel. Le lecteur s’enfonce dans l’ambiguïté, dans la question si l’histoire se passe en l’espace de quelques semaines, de quelques jours ou bien de quelques heures. Quelques expressions qui servent en guise d’indications temporelles et à l’aide desquelles on peut situer l’action sur l’axe temporel. Robbe-Grillet utilise d’abord l’alternance lumière /obscurité, jour / nuit :
«Le soleil a disparu…» (p.16)
«…jusqu’à ce que le jour soit devenu insuffisant» (p.16).
«Là, l’obscurité est totale» (p.27).
«…le soleil est encore trop haut dans le ciel» (p.67).
«Elle est en plein soleil… Le soleil est presque au zénith» (p.135).
Puis il se sert d’un jeu d’ombres, pour rendre évidente l’existence du soleil:
«…le trait d’ombre projeté par le pilier…» (p.9).
«Déjà l’extrémité du trait d’ombre atteint presque la porte d’entrée, qui en marque le milieu» (p.15).
«Son ombre raccourcie se projette…» (p.135).
Cependant, cette démarche ne s’arrête pas ici. La technique robbegrilletienne enrôle une série de mots et d’expressions, chargés de l’idée du temps pour la faire transmettre au lecteur. Ainsi nous distinguons le moment de la journée où se déroule l’histoire à travers des mots banals qui, dans un autre contexte, n’auraient pas eu la même charge sémantique importante. Tout comme les bruits des animaux trahissent qu’il fait nuit ou que les jalousies se baissent à cause du soleil qui pénètre par les fenêtres, l’œil humain ne discerne rien parce qu’il fait nuit noire et les animaux nocturnes font leur apparition.
«… que le cri menu de quelque carnassier nocturne…» (p.27).
«… à cette heure de la journée où tout travail s’est interrompu…» (p.72).
«… à cette heure-ci leurs jalousies baissées plus que la moitié» (p.76).
«L’œil maintenant ne discerne plus rien…» (p.138).
«… sa voix n’a pas troublé le vacarme des criquets nocturnes» (p.141).
Au niveau narratif, il serait logique de dire que La Jalousie est un roman situé foncièrement hors du temps. L’œuvre commence avec un « maintenant », qui se répète comme un leitmotiv temporel dans le récit ou au début de quelques paragraphes pour marquer le commencement du nouveau chapitre. Cinq des neuf chapitres commencent par ce mot et l’écrivain situe le lecteur au moment où le narrateur vit le déroulement des faits.
«Maintenant l’ombre du pilier» (p.9).
«Maintenant l’ombre du pilier sud-ouest» (p.32).
«Maintenant, c’est la voix du second chauffeur» (p.99).
«Maintenant la maison est vide» (p.122).
«Maintenant l’ombre du pilier» (p.210).
Cependant, ce mot est un mot vide sans valeur chronologique. A la question «Quand?» on reçoit la réponse «Maintenant», qui ne donne aucune précision temporelle satisfaisante. En tous cas, c’est le démiurge même qui l’avoue dans le roman. À une question peu précise concernant le moment où il a reçu cet ordre, il répond : «Maintenant», ce qui ne fournit aucune indication satisfaisante (p.50). Dans l’ensemble du roman le temps est absent ou, au moins, flou. Renforcé par les répétitions et les anachronismes, coupé par les analepsies et les prolepses il abolit la notion du temps linéaire, tout en produisant chez le lecteur la sensation d’un blanc narratif.  L’auteur met en scène les structures mentales du narrateur, privées de temps. C’est bien l’ordre des mots, des chapitres et des paragraphes qui détermine le procédé temporel.


LA STRUCTURE PARADOXALE
Le paradoxe est une proposition qui contient ou implique une contradiction. La Jalousie apparaît souvent comme un récit paradoxal, paradoxes de la posture de la narration à la fois effacée et omniprésente, paradoxe du récit-description souvent considéré comme trop «géométrique». Dans Préface à une vie d’écrivain, Robbe-Grillet rappelle avec ironie la réception critique de La Jalousie à sa sortie «Quand j’ai commencé à écrire, on a peu vu les spectres et les fantômes dans mon écriture. On a plutôt voulu y voir du rationalisme».
Cet effet de géométrie, présent dès les premières pages du roman, et dont le paroxysme est sans doute la description de la bananeraie aurait dû inviter les premiers lecteurs à la méfiance. Ce qui a l’air trop évident cache peut-être autre chose. La description à outrance, envahissante, omniprésente, n’est qu’un leurre, l’objectivité n’existe pas, tout texte porte en lui son idéologie.  Ce qui se fait jour dans l’esthétique de La Jalousie, c’est la coprésence du contradictoire, et la contradiction comme principe d’incertitude étendu à tout l’univers, donc au sujet lui-même. Ce sont ces questions que nous aimerions aborder en observant les premières pages du roman (pages 9 à 14). Ainsi, le lecteur a-t-il l’impression de se perdre dans une lacune temporelle sans traces qui marqueraient le début ou la fin. Alors, le lecteur reste perplexe devant ce «maintenant» qui n’a ni origine ni finalité exacte.
«L’œil maintenant ne discerne plus rien…» (p.138).
«…où sa maîtresse s’apprête maintenant pour le départ» (p.141).
L’auteur nous présent deux temps qui se contrarient dans la même phrase. «Maintenant» qui est censé être un terme présent est utilisé avec le passé:
«Maintenant, A… est entrée dans la chambre» (p.10)
«Elle s’est maintenant retournée…» (p.10).
“ Elle s’est maintenant réfugiée, encore plus sur la droite, dans l’angle de la pièce, qui constitue aussi l’angle sud-ouest de la maison.” (p.122)
Dans ces phrases, Robbe-Grillet a employé le passé composé. Mais comme on le voit, le temps de ces phrases s’est transformé au présent par l’emploi de “maintenant”.
La posture de la narration du roman apparaît extrêmement paradoxale dans la mesure où Robbe-Grillet s’est efforcé de faire disparaître la subjectivité du discours en même temps qu’il nous donne à voir le monde à travers le regard d’un seul personnage-narrateur. Apparemment, le narrateur est invisible. Aucun élément n’est livré sur son identité, son sexe, ses liens avec les personnages, son rôle, hormis sa position d’«observateur».
 STRUCTURE MÉTAPHORIQUE
La métaphore est une figure de style qui consiste à remplacer un mot par un autre, alors qu’entre ces mots, il y a un rapport d’analogie.
Le rôle de l’écriture dans ce roman n’est pas de raconter un récit progressif ou de donner des informations, mais de décrire ce que le narrateur voit et ce qui se passe dans son esprit, afin de faire éprouver un certain ordre de sensations. Le narrateur  ne fait qu’une chose: il expose; il ne nous informe pas, il n’interprète pas, il ne nous explique pas ses idées. Dans les premières pages du roman, le lecteur ne sait même pas qui est le narrateur. Comme un peintre expose ses tableaux dans un musée, Robbe-Grillet expose ses écritures sans dire rien; ce sont les lecteurs qui doivent les déchiffrer. Pour lui, «les valeurs d’un art ne sont jamais des valeurs idéologiques, sociologiques, politiques; elles résident au contraire dans les formes et les structures» (Morrissette, 1963: 35).
Au point de vue de la langue, cette écriture ne présente aucune difficulté particulière de lecture. Les phrases de Robbe-Grillet sont courtes et faciles à lire; mais derrière cette écriture simple en apparence, il existe une grande profondeur. L’organisation repose sur la répétition obsédante des scènes et des phrases semblables comportant en général «de légères variantes» (Raimond, 1989: 110). Comme l’a dit Robbe-Grillet lui-même, ce roman est «un des exemples les plus évidentes de ce systèmes de répétions à variantes» (Şen, 1996: 45). La plus célébrée de ces répétitions, c’est la scène de l’écrasement des milles pattes. Cette scène a été reprise cinq fois dans le roman. Quand leur voisin Frank est chez le narrateur pour le dîner, la femme du narrateur voit un millepatte sur le mur. Frank se lève de la table et l’écrase. Ce mouvement de virilité de son voisin rend le narrateur jaloux. Chaque fois qu’il voit la tâche du mille-pattes écrasé sur le mur, le narrateur se rappelle Franck. Cette tâche est devenue dans le Roman un signe de présence continuel de Frank et un signe excitant la jalousie du narrateur. La tâche du mille-pattes change selon le degré de la jalousie du narrateur. Quand la jalousie atteint son paroxysme, la tâche du mille-pattes devient gigantesque. Sans cette écriture obsessionnelle, le lecteur ne pourrait pas comprendre la jalousie du narrateur. La répétition obsessionnelle de la scène de l’écrasement des mille-pattes rend d’une part visible cette jalousie; d’autre part, elle la rend vivante et toujours présente. Les mêmes phrases aussi se répètent parfois dans une même scène. La femme du narrateur et le voisin sont en train de prendre de l’apéritif sur la terrasse. Ils veulent aller ensemble aller à la ville et parlent de l’heure de leur départ. A…vient d’apporter les verres, les deux bouteilles et le seau à glace
«Nous partirons de bonne heure, dit Franck.
- C’est à dire ?
- Six heures, si vous voulez bien.
- Oh! Là là…
- Ça vous fait peur ?
- Mais non.” Elle rit. Puis, après un silence: “Au contraire, c’est très amusant.”
Ils boivent à petites gorgées.
Si tout va bien, dit Franck, nous pourrions être en ville vers dix heures et avoir déjà pas mal de temps avant le déjeuner.
- Bien sûr, je préfère aussi”, dit A…
Ils boivent à petites gorgées. (p.81)
Dans cette scène, la phrase “Ils boivent à petites gorgées” se répètent deux fois. Nous rencontrons la même phrase deux pages après, à la fin de la page 83.
On nous présente une scène semblable, mais cette scène se passe un autre jour, après leur retour de la ville. Franck et A… sont allés à la ville, mais le soir ils ne sont pas rentrés. De leur retour, ils ont dit qu’ils avaient été obligés de passer la nuit dans un hôtel à cause d’une panne de la voiture de Franck.
« Ils boivent à petites gorgées. Dans les trois verres, les morceaux de glace ont maintenant tout à fait disparu…» (p.83-84).
Si, sur la terrasse, la femme du narrateur et le voisin boivent leur boisson côte à côte “à petites gorgées”, c’est qu’ils ne veulent pas terminer leur boisson qui facilite leur relation. Comme la reprise de la scène de l’écrasement du mille-pattes, la reprise de la phrase “ils boivent à petites gorgées” signifie l’angoisse, c’est-à-dire la jalousie du mari-narrateur. Eh bien, regardons cette phrase dans une manière attentive:
« Ils boivent à petites gorgées. Dans les trois verres, les morceaux de glace ont maintenant tout à fait disparu…» (p.83-84).
Cette citation nous fait saisir qu’il y a trois personnes présentes. «trois verres» représentent trois personnes: Frank, A… et la troisième personne inconnue qui serait observateur-narrateur. Robbe-Grillet joue dans son œuvre avec les signifiants. Il ne s’occupe presque jamais des signifiés. C’est au lecteur de les trouver. Dans la première scène, quand Franck demande à A… si leur départ de très bonne heure lui fait peur, A… lui répond qu’elle trouve ça au contraire “très amusant.” Le lecteur se ramène avec le mari à comprendre que cette femme est heureuse d’être avec leur voisin. Et cette panne de voiture amène à soupçonner d’une relation secrète entre Franck et la femme du narrateur. La panne de la voiture était-elle un mensonge ? Le mari et nous, nous n’en savons rien. Et cette ignorance enflamme notre doute et bien sûr le doute du narrateur. Aux pages 19-20 aussi, nous constatons qu’il y a quatre fauteuils dont un de ces fauteuils est vide, le premier pour A…, le deuxième pour Frank, le troisième pour une personne inconnue et le quatrième qui est pour Christiane qui n’arrive pas à venir est vide. Le narrateur ne mentionne pas lui-même, mais on déduit que le narrateur est la personne inconnue. Donc les fauteuils nous faire savoir combien de personnes dans la scène. Dans le roman, il y a des mots, des adjectifs ou des phrases qui indiquent la répétition des actions gênant le mari. “Pour le dîner, Franck est encore là, souriant, loquace, affable.” dit le narrateur à la page 17. La même phrase a été reprise à la page 197. Ces “encore” montrent que Franck vient très souvent chez le narrateur, pour voir sans doute sa femme, et ces visites le gênent beaucoup. Nous pouvons multiplier facilement de tels exemples.
«Sur la terrasse, devant les fenêtres du bureau, Franck est assis à sa place habituelle.» (p.44)
«Elle et Franck, assis dans leurs fauteuils….» (p.98)
«… Franck est assis dans son fauteuil….» (p.105)
«Sur la terrasse, Franck et A… sont demeurés dans leurs fauteuils.» (p.106)
Dans le premier exemple, l’adjectif possessif “sa” et l’adjectif déterminatif “habituelle” et dans les trois autres exemples, les adjectifs possessifs “son” et “leurs”, sont des indices des visites continuelles et embêtantes de Franck. Ces adjectifs possessifs sont des signes de la possession de la femme du narrateur par Franck. La répétition tient donc une place très importante dans le roman.
La thématique psychologique que nous découvrons grâce à la structure métaphorique de l’œuvre n’est pas seulement la jalousie du mari. Il y a un autre sens qui est le sens essentiel de l’œuvre, c’est la structure de l’œuvre même.
Avec l’emploi de la mise en abyme qui est “une extension-concentration de la métaphore structurelle” (Caminade, 1971: 263), Robbe-Grillet veut nous faire saisir la structure de son roman.



LA MISE EN ABYME
C’est une micro histoire. En 1891 André Gide découvre l’idée de mise en abyme au niveau de l’écriture, et en 1950 cette idée a été prise en charge par le Nouveau Roman. En prétendant donner une nouvelle noblesse au genre littéraire, les œuvres des nouveaux romanciers se distinguent par une construction et une mise en forme basées sur des notions telles la métaphore, la description, mais surtout et avant tout sur le concept formel le plus prolifique de ce courant littéraire: la mise en abyme. D’ailleurs Robbe-Grillet a présenté dans ce roman l’enchâssement d’un roman africain. Ce roman africain est un récit traditionnel, «Classique sur la vie coloniale, en Afrique, avec description de tornade, révolte indigène et histoire de club.»(p.215). Cette fiction dans la fiction marque le contraste entre deux procédés de construction: le traditionnel et celui du roman qui le contient. Les événements et détails du roman africain sont vraisemblables.
«L’héroïne ne supporte pas le climat tropical (comme Christiane)» (p.26)
-Les crises de paludisme…
-Il y a la quinine.
-Et la tête, aussi, qui bourdonne à longueur de journée » (p.54)
Le roman africain a un rapport avec presque tout ce qui a un intérêt dans La
Jalousie, et de plus ce thème est une sorte de centre de gravité du roman. Nous pouvons discerner trois fonctions du roman africain. Premièrement parler d'une fonction mythique, le contenu du roman africain étant un contenu purement mythique. Il s'agit d'un nombre très limité de notions banales sur la vie en «Afrique»: la chaleur, la quinine, la fièvre, la jalousie et les drames triangulaires. Les personnages du roman  La Jalousie se reflètent dans le roman africain, et ainsi une des fonctions de ce roman en abyme est de souligner la banalité des personnages et des mythes qui les entourent, en d'autres termes, de souligner que La Jalousie n'est pas une étude psychologique de «vrais» personnages, et que le «sens» véritable ne se trouve pas dans ce contenu mythologique très maigre. L'univers mythologique superficiel des deux romans est surtout souligné à la page 215, où l'apéritif stéréotypé de La Jalousie va de pair avec la couverture vernie du roman africain. Le contenu banal de celui-ci est décrit ainsi:
«II est presque l'heure de l'apéritif A... n'a pas attendu davantage pour appeler le boy, qui apparaît à l'angle de la maison… Il place le plateau avec précaution, près du roman à couverture vernie.» (p.215)
«C'est ce dernier qui fournit le sujet de la conversation. Les complications psychologiques mises à part, il s'agit d'un récit classique sur la vie coloniale, en Afrique, avec description de tornade, révolte indigène et histoires de club. A ... et Franck en parlent avec animation, tout en buvant à petites gorgées le mélange de cognac et d'eau gazeuse servi par la maîtresse de maison dans les trois verres.» (p. 215-216)
Finalement, le roman africain a une fonction psychologique. Etant un lien entre A ... et Franck, le roman africain devient un point de fixation pour la jalousie du narrateur. Sa jalousie (ou plutôt son angoisse) atteint un maximum chaque fois qu'il est question du roman africain, même si ce n'est pas exprimé directement. Ceci est surtout évident dans le passage suivant:
«...celui qui n'a même pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine Tous les deux parlent maintenant du roman que A... est en train de lire, dont l'action se déroule en Afrique… Il [Franck] fait ensuite une allusion, peu claire pour par «savoir la prendre» ou «savoir l'apprendre», sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s'agit, ou de quoi. Franck regarde A..., qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu'elle connaît l'histoire.» (p. 26)
Le roman de Robbe-Grillet ne repose pas sur un récit et sur des valeurs sociales et psychologiques, mais il repose sur son écriture et sur la critique de l’écriture traditionnelle. Robbe-Grillet n’a pas supprimé l’histoire, il a réduit au minimum sa souveraineté. Dans son roman, nous ne trouvons rien de raconté. Croyant à l’insaisissabilité de la réalité, il a purifié son roman de tout ce qui est explication et renseignement. La narration de La Jalousie repose sur une métaphore structurelle. Avec un emploi systématique de l’analogie structurelle, Robbe-Grillet fait percevoir au lecteur, en le rendant plus dynamique, le sens de l’œuvre. Il n’explique pas comme les romanciers traditionnels, mais il sait bien descendre dans les profondeurs grâce à une structure métaphorique réalisée par une écriture obsessionnelle. Chez lui, la structure de l’œuvre remplit la fonction du narrateur. Robbe-Grillet a une écriture muette en apparence, mais capable toute seule de nous dévoiler les significations cachées des choses en restant à leurs surfaces.


LA STRUCTURE SPATIALE
L'espace est un élément indispensable du récit et son intégration dans la structure du roman nécessite une mise en accord avec les autres composants de la structure. Un nouveau romancier qui a rompu avec les règlements du roman traditionnel, tente de définir d'une manière nouvelle la place de l'espace dans le jeu d'ensemble des divers éléments d'une structure transformée. Dans ce travail de recherche, nous étudierons les transformations que l'espace a subies dans La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet. C'est ainsi que nous serons témoins de la subjectivité de l'espace qui s'opère de différentes manières, entre autres: il est adapté à la vision, aux sensations ainsi qu'aux fantasmes du personnage.
Alain Robbe-Grillet nous y présente d’une façon originale, l’espace, le temps et les personnages. Notre intérêt est de donner la priorité à l’organisation de l’espace. Certes, toute œuvre de fiction est aux prises avec l’espace, son principal mode de concrétisation: elle a besoin d’un système de lieux et de niveaux pour s’ériger et se construire. De Gustave Flaubert à Alain Robbe-Grillet le traitement de l’espace subit une évolution intense à tel point qu’il constitue la raison d’être de l’œuvre. Dans les romans traditionnels, de type balzaciens, l’espace était déjà impliqué par l’action et par le personnage. Il était évoqué comme «toile de fond» devant laquelle agissent ou parlent des protagonistes. Cet espace-là est donné par le romancier. Par contre chez les Nouveaux-Romanciers, surtout chez Alain Robbe-Grillet, la question de l’espace est placée au centre de son travail romanesque ainsi qu’il l’affirme lors d’un entretien avec Jean Moussaron: «Les romans qui me passionnent le plus souvent liés à la présence très forte d’un lieu…mes propres livres sont aussi fortement liés à des lieux dans ma tête.» Il ne faut pas chercher dans ses œuvres une correspondance explicite entre les descriptions du lieu et les sentiments des personnages. Il a repoussé l’aspect psychologique de l’espace. Il précise que les objets décrits par un texte «ne seront plus le vague reflet de l’âme du héros, l’image de ses tourments, l’ombre de ses désirs». En fait, l’espace se définit comme une réalité moins objective que subjective.
Afin de mieux découvrir l’espace, il faut en reconsidérer la définition à travers des dictionnaires. Selon Le Larousse c’est «l’étendue indéfinie qui contient et entoure tous les objets, l’espace est supposé à dimensions», Le Petit Robert entre dans d’autres détails: «Lieu, plus ou moins bien déterminé, où peut se situer quelque chose». Philo.: «Milieu idéal, caractérisé par l’extériorité de ses parties, dans lequel sont localisées nos perceptions, et qui contient par conséquent toutes les étendues finies…». Géom.: «Milieu conçu par abstraction de l’espace perceptif (à trois dimensions).» Le Sémiotique: Dictionnaire raisonné de la théorie du langage nous propose une analyse autrement complexe, «Espace : le terme d’espace est utilisé en sémiotique avec des acceptions différentes dont le dénominateur commun serait d’être considéré comme un objet construit (comportant des éléments discontinus) à partir de l’étendue, envisagé, elle, comme une grandeur pleine, remplie sous solution de continuité». Ce qui nous frappe dès le début, c’est un rapprochement entre cette définition et une affirmation faites par Robbe-Grillet, lui-même, dans l’introduction à L’année dernière à Marienbad, texte paru après le tournage du film, mais qui en est la base. Il s’agit de son intention de «construire» son espace et son temps : «Enfin, j’y retrouvais la tentative de construire un espace et un temps purement mentaux –ceux du rêve peut-être, ou de la mémoire, ceux de toute vie affective- sans trop s’occuper des enchaînements traditionnels de causalité, ni d’une chronologie absolue de l’anecdote». Si nous nous fions à cette déclaration, à l’intention de l’auteur de réaliser par ce film «un espace et un temps purement mentaux», il faut concevoir cette option comme un choix non seulement filmique mais aussi textuel. La complexité d’un texte est soumise non seulement à la complexité des idées qu’il transmet, mais aussi à la complexité des lieux qui le composent. En partant de cette remarque, nous essaierons moins de dégager les idées à l’œuvre dans les textes de Robbe-Grillet que de décomposer ses types topologiques considérés comme point de départ à la compréhension du texte. A la question de savoir de quels types de l’espace il s’agit, s’en ajoute une autre : comment est-il construit ? L’étude de l’espace pose, par ailleurs, le problème du sens. Dans ce cas, où réside le sens de l’espace, est-ce qu’il est tributaire de ses formes ou de ses fonctions ou de l’usage qui lui est attribué ?
On peut parler d’un espace dans La Jalousie, où se déroule l’action de l’univers dramatique, c’est-à-dire, de l’espace où se développe, sur un mode dramatique, la jalousie du narrateur dont la femme A… semble être amoureuse du personnage nommé Franck. L’action de cette œuvre se passe dans une maison située dans une plantation de bananiers, entourée par d’autres plantations de bananiers; tout est vu de la maison. En passant d’une pièce à l’autre de la maison, à travers les jalousies, le mari surveille A… Un jour A… accompagne Franck en ville et ils rentrent le lendemain. Le mari voit sa jalousie se développer et exprime à la fois son inquiétude et une forme de complexe d’infériorité. Nous ne savons géographiquement pas dans quel pays l’intrigue se passe. Le lieu n’a que des caractères tropicaux et coloniaux. Dans le roman colonial, nous voyons un espace soumis aux rythmes de la vie agricole. La plantation coloniale est isolée. La vie y est monotone, gouvernée par le cycle répétitif des semences et des récoltes.  La bananeraie de La Jalousie se situe dans une région montagneuse d’un pays inconnu mais appartenant à un milieu colonial. De toute façon, il ne s’agit pas d’un pays africain, car A… affirmant qu’elle ne trouve pas le climat « tellement insupportable », le compare à la chaleur d’Afrique qu’elle avait autrefois connue (p.22). La terre décrite se situe sur la pente d’une vallée d’un pays au bord de la mer (p.11). Les personnages descendent vers un port (p.60), et A… et Franck parlent des différences de climat entre les montagnes et la côte où il fait plus chaud et plus lourd (p.92-93). Les plantations sont isolées «perdues dans la brousse» (p.87) et accessible par une seule route (p.12). Les seuls voisins sembleraient être Franck et sa famille, et les voyages en ville sont assez rares. Tout dans la description de ce lieu rappelle les particularités coloniales: une maison aérée, entourée d’une terrasse, et remplie de meubles qui, d’après le narrateur, «figure toujours dans ces habitations de style coloniale » (p.68). Le seul divertissement paraît être, les visites fréquentes qui respectent toujours la même routine, café sur la terrasse, diner dans la salle à manger, les conversations qui aboutissent toujours au même sujets: le climat tropical et la santé de Christine qui n’arrive pas à s’y habituer, les pannes de voiture, les personnages s’assoient toujours à la même place, etc. La vie coloniale est répétitive. Le narrateur décrit la vie sur la plantation comme «la suite prévisible des travaux en cours, qui sont toujours identiques». (p.95)
Jacques Leenhardt dans Lecture politique du roman La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet aborde le rapport entre La Jalousie et son contexte sociopolitique et situe La Jalousie dans la tradition du roman colonial. Il voit cinq grandes étapes dans l’évolution du roman colonial: dans la première étape , le roman colonial avant 1890, l’Afrique est décrite comme une terre hostile, marquée par des désastres naturelles; dans la seconde étape, de 1860 à 1920, il est question de l’exploitation de cette terre conquise et de tous les problèmes qui l’accompagnent, surtout les relations entre les Noirs et les Blancs; la troisième étape, de 1920 à 1945 marque la dégradation de l’image du colon ( débauche, scandales, etc.); la quatrième, de 1945 à 1960, reflète la décolonisation où le colon est écartelé entre la volonté de coopérer et un sentiment de grande déception; la cinquième, après 1960, marque le début du roman néocolonialiste. Leenhardt situe La Jalousie à un stade liminal, harcelé entre deux moments dans l’histoire coloniale de la France; cette lutte est bien montrée dans la relation du mari et de Franck, selon Leenhardt ce dernier représente le colon de l’époque 1900-1940, riche de nouvelles idées en ce qui concerne le rapport entre colon et indigène.1 Le «mari» «pense» en 1920, tandis que Franck «pense» en 1950, mais tous deux se manifestent dans la continuité d’un récit au présent, par exemple, leur échange au sujet des chauffeurs indigènes. Le mari soutient que les Noirs traiteront un nouveau moteur comme un «Jouet» et ne sont pas responsables, tandis que Franck «pense qu’il existe des conducteurs sérieux, même parmi les noirs.» (p.25) une série des mots contradictoires («Blanc»/«Noir», «maison»/«nature», «ordre»/«désordre») font partie du vocabulaire du roman colonial.
 Dans La Jalousie, la description des lieux obéit à une dynamique du regard qui est soumis à une focalisation fortement encadrée. Il suffit pour s’en convaincre de se référer à un exemple illustratif : «Mais le regard qui, venant du fond de la chambre, passe par-dessus la balustrade, ne touche terre que beaucoup plus loin, sur le flan opposé de la petite vallée, parmi les bananiers de la plantation» (p.11). Il paraît que la ligne du regard traverse trois types d’espaces que l’on peut ranger dans ces trois catégories: la première espace fixe la position et l’endroit qu’occupe le sujet focalisateur. Il s’agit de «du fond de la chambre», le lieu où le regard tire son origine. Le second type d’espace renseigne sur les divers lieux d’observation que traverse le regard. Il est question des lieux comme «la jalousie» et «la balustrade». Ce qui caractérise le troisième espace, c’est le fait de parachever l’itinéraire du regard, objet focalisé comme le lieu du désir. Le regard du héros- narrateur joue sur «un jeu d’angle de vision menant à des contrastes entre la réalité objective et imaginaire.» De même, Robbe-Grillet insiste sur la prédominance de l’œil du personnage. L’œil est pour le narrateur de La Jalousie le moyen de connaissance le plus satisfaisant. Le rôle de l’œil est en quelque sorte voué à l’exploration du monde extérieur. L’œil du narrateur dans ce roman serait caractérisé comme personnage du drame ainsi que Marcel Martin l’a dit : « La caméra est devenue mobile comme l’œil humain, comme l’œil du spectateur ou comme l’œil du héros du film. L’appareil est désormais une créature mouvante, active, un personnage du drame.» Un personnage du drame, cela signifie un rôle d’agent actif d’enregistrement de la réalité matérielle.
Il s’agit d’un enchaînement de points de vue qui se traduisent par le déplacement topologique du regard, d’un ici présent vers un ailleurs absent. Dans La Jalousie, ce que le personnage perçoit se trouve toujours imposé à sa condition mentale.


LA NARRATOLOGIE
C’est l’étude des techniques narratives mises en œuvre dans un texte. Il s’agit donc de la position que prend le narrateur. Pour les nouveaux romans, la narratologie prend une nouvelle voie, elle ne suit pas l’ordre classique. Les caractéristiques de la narratologie des nouveaux romans sont:

La dissolution du personnage:
Avec la modernité, le personnage cesse d’être le vecteur des transformations narratives et le pôle autour duquel s’organisent les relations causales. L’intériorité des personnages devient problématique ou opaque: la plupart du temps, les personnages vivent une crise dont ils ne démêlent pas complètement les causes et qu’ils s’avèrent impuissants à surmonter.  La représentation de la personne est essentielle dans la fiction romanesque, mais le personnage n’est qu’un signe à l’intérieur d’un code, bien que l’on ait souvent la tentation de ne pas le distinguer des individus réels. Le personnage est un être de papier. Le nouveau roman a réduit le personnage au degré Zéro; celui-ci n'a ni nom, ni famille, ni passé, bien souvent le personnage est ramené à une insignifiante initiale. Robbe–Grillet est allé jusqu'au bout de cette dépersonnification. Il a supprimé toutes les caractérisations du personnage. Il explique dans son ouvrage Pour un Nouveau Roman:
«Notre monde aujourd'hui, est moins sûr de lui-même, plus modeste  peut–être puisqu'il a renoncé à la toute-puissance de personne, mais plus ambitieux aussi puisqu'il regarde au de là. Le culte exclusif de" l'humain" a fait place à une prise de conscience plus vaste, moins anthropocentriste»
Les personnages de ce roman se réduisent au trio classique: le mari, la femme et l'amant. Mais, regardons-y un peu plus près. La mise en scène des personnages est très étudiée et passe par l’organisation des fauteuils et de la table. Si l’on lit attentivement le texte, on constate que les objets sont des indices concernant les personnages. Ainsi, on compte trois personnages : Franck, l’invité, venu sans sa femme, d’où le quatrième fauteuil vide et le couvert que A... fait enlever. On repère aussi A…, et celui qui paraît être son mari, l’observateur de la scène. Sa présence se déduit par l’allusion au quatrième fauteuil vide, ce qui suppose que le troisième est occupé. L'épouse A … est réduite à l'initiale de son nom ou de son prénom, nous n'en savons rien, Pas de nom. Pas d'âge, nous savons peu de choses d'elle. Le mari  n'est jamais mentionné dans le texte et il ne se nomme jamais. C'est un narrateur présent dans l'absence. Pourtant, nous savons dès les premières pages du roman que ce que nous lisons, que les évènements racontés sont à travers le regard d'un narrateur personnage destitué d'identité. Dans ce roman, il n'existe que des silhouettes. Le personnage a perdu beaucoup de lui-même. Nous voyons que Robbe-Grillet a éliminé toutes les caractérisations du personnage traditionnel ; il explique dans son ouvrage Pour un Nouveaux Roman:
«Le roman de personnages appartient bel et bien au passé, il caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu… L'époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule. Le destin du monde a cessé pour nous de s'identifier à l'ascension ou à la chute de quelques hommes‚ de quelques familles.»

L'abolition du narrateur:
Robbe-Grillet était toujours contre le personnage héros étant toujours au premier plan. C'est pourquoi il le met au dernier plan, derrière les autres personnages. Le personnage classique perd ainsi sa place privilégiée avec le nouveau roman. Pour ne pas être un personnage classique, le narrateur s'efforce toujours à se cacher parmi les autres. Pour qu'il ne soit pas saisissable. C'est le lecteur qui en reconstitue l'existence car il n'est jamais nommé et c'est l'absence qui donne son existence. A la page 17 A...a mis quatre couverts, elle fait enlever le quatrième parce que Christiane ne vient pas. Comme Franck et A... sont là, il manque donc le narrateur.
«Pour le dîner, Franck est encore là, souriant, loquace, affable. Christiane, cette fois ne l'a pas accompagné ; elle est restée chez eux avec l'enfant, qui avait peu de fièvre. Ce soir, pourtant A... paraissait l'attendre. Du moins avait- elle fait mettre quatre couverts. Elle donne l'ordre d'enlever tout de suite celui qui ne doit pas servir.» (p.17)
A la page 18, A... s'empare du troisième verre.
«Elle se redresse d'un mouvement souple, s'empare du troisième Verre – qu'elle ne craint pas de renverser, car il est beaucoup moins plein – et va s'asseoir à côté de Franck.» (p.18).
Il transmet toujours ses propres paroles et ses gestes par un discours indirect: à la page 171, le narrateur cherche à voir quelque chose à travers les lames d'une jalousie, mais, il ne réussit pas à épier le dehors, il lui reste alors de refermer la baguette latérale. Au cours de cette narration, il emploie toujours des verbes impersonnels pour ne pas se montrer clairement. Car, il cherche à être insaisissable pour ne pas être traditionnel.
«Par les fentes d'une jalousie entre ouverte –un peu tard – il est évidemment impossible de distinguer qui ce soit. Il ne reste plus qu'à refermer, manœuvrer la baguette latérale qui commande un groupe de lames.» (p.171)
Vers la fin du roman, nous voyons un autre exemple pareil: Franck, A... et le narrateur sont à la terrasse pour le déjeuner. Franck parle de son nouveau camion. Pendant la conversation, le narrateur ne partage pas l'idée de Franck. Mais il ne dit pas explicitement qu’il ne partage son idée. Ne voulant jamais se montrer clairement dans la narration, il s'efforce à se cacher en expliquant sa pensée. Un lecteur inattentif ne pourrait pas peut-être apercevoir que c'était le narrateur qui parle:
« "Je commence à avoir l'habitude, dit-il, avec le camion. Tous les moteurs se ressemblent" Ce qui est faux, de toute évidence .Le moteur de son gros camion, en particulier, présent peu de points communs avec celui de sa voiture américaine.» (p.199)
Les paroles du narrateur ne sont jamais prononcées en paroles directes. Dans ces paroles ci-dessous par exemple, c'est probablement le narrateur qui avait demandé la question à A..., mais nous pouvons le comprendre difficilement.
«Pour plus de sûreté encore, il suffit de lui demander si elle ne trouve pas que le cuisinier sale trop la soupe "Mais non, répond-elle, il faut manger du sel pour ne pas transpirer." » (p.24)
Dans l'œuvre, notre recherche du narrateur nous conduit à un autre exemple important: Un jour, A..., Franck et une troisième personne qui est probablement le narrateur sont à la terrasse pour prendre l'apéritif. Oubliant le seau à glace dans la cuisine, A...demande que l'un d'eux aille à la cuisine, pour l'apporter.
C'est le narrateur qui va à l'office. Nous le comprenons par la description du corridor, de l'office et des "chaussures légères à semelles de caoutchouc "; le boy aussi est venu chercher, à la cuisine, le seau à glace. Le narrateur lui demande d'une façon bizarre, une question concernant le moment où il a reçu cet ordre. Il ne veut pas, comme toujours, montrer que c'était lui qui parle avec le boy:
«A une question peu précise concernant le moment où il a reçu cet ordre, il répond: "maintenant", ce qui ne fournit aucune indication satisfaisante.» (p.52)
Après ces citations concernant le narrateur, on voit clairement que l'auteur ne veut pas mettre son narrateur au premier plan. Parce que, quand un narrateur se montre visiblement et participe d'une façon active à l'action, il ne devient qu'un simple personnage classique. C'est pourquoi son créateur s'efforce toujours de le cacher. Il ne dit pas "je" une seule fois pendant toute la narration de l'histoire.

La description minutieuse
Pour le nouveau roman, il s’agit d’une forme narrative où les places respectives de la narration et de la description se trouvent inversées, ce n'est plus la narration qui domine mais, c'est la description qui suggère un récit. Robbe- Grillet s'affranchit de tout ce qu'il appelle de vieux mythes, il prête aux objets une vie humaine, crée des sympathies entre les objets et l'homme. Selon lui les objets, entièrement forme et matière, sont des surfaces, des angles géométriques qui ne cachent ni âme, ni cœur, ni essence subtile.  Lisons par exemple le début du roman:
«Maintenant l'ombre du pilier -le pilier qui soutient l'angle sud- est du toit- divisé en deux parties égales l'angle correspondant de la terrasse. Cette terrasse est une large galerie couverte, entourant la maison sur trois de ses côtés. Comme sa largeur est la même dans la portion médiane et dans les branches latérales, le trait d'ombre projeter par le pilier arrive exactement au coin de la maison; mais il s'arrête là, car seules les dalles de la terrasse sont atteintes par le soleil, qui se trouve encore trop haut dans le ciel.» (p.9)
Tout le spectacle que déroule dans le roman est décrit sur le même ton toujours en retrait, le ton d'un observateur passionné mais rigoureux qui ne veut rapporter, sans commentaire, que ce que chacun à sa place pourrait voir. La neutralité postulée de la description a pour corollaire l'effacement du spectateur (le narrateur). Le roman, en effet, doit être orienté, puisque tout regard est le regard de quelqu’un. Mais cette orientation doit être objective, c'est -à-dire, si rigoureusement fixée sur son objet que le regard s'efface au profit de la chose regardée. Dans la description objective, le narrateur est une " présence absente " qui ne se trahit que ce qu'elle voit. Plusieurs thèmes apparaissent dans des passages qui ressemblent à des descriptions. En les examinant de près, on voit que ces descriptions visent beaucoup plus loin que ce qui est immédiatement décrit. On peut dire qu'elles sont des descriptions du récit même de La Jalousie.










1..L'anti-anthropomorphisme
             La jalousie de Robe Griller est un refus du style l'anthropomorphisme dans la littérature.Dans le recueil des textes publiés sous le titre Pour un nouveau roman , Robbe-Grillet a déclaré la lutte à ce qu’il appelle l’l’anthropomorphisme(tendance à concevoir les divinités ou les animaux à l’image des hommes et à leur prêter de ce fait des comportements humain dans la littérature.Ce qui est utilisé par des écrivains des siècles précédant dans leur œuvre . Il se peut bien que le mot anthropomorphisme doive également être interprété en un sens qui n’est pas tout à fait évident : non seulement au sens de faire voir les objets comme privés de la perception humaine en les donnant des qualités humaines mais également,et à l’insu de Robbe- Grillet, peut-être – au sens de dépouiller le regard humain de la capacité (qui est une capacité humaine par excellence) de lire l’esprit d’autrui (et il est facile de démontrer que ces deux interprétations sont strictement corrélatives).

2. L'empêchement du rôle du narrateur omniscient
             Le narrateur est celui par les yeux de qui le lecteur est plongé au cœur du récit.Anonyme, silencieux, jamais décrit par un quelconque aspect physique ou trait particulier de sa morphologie, le narrateur est, on le comprend dès le début, un homme jaloux, maladivement et obsessionnellement jaloux, qui surveille sa femme dans tous ses faits et gestes.
              Il faut bien comprendre, il ne s’agit pas de dire que Robbe-Grillet  et d’autres auteurs modernes du nouveau romans  détruit l’instance d’un narrateur omniscient contre ce qui exstait dans la littérature depuis des siècles dans la littérature classique. Il ne s’agit pas, non plus, de dire que le sentiment de la jalousie soit une illusion ou une  construction pure de la part du lecteur.Mais,le rôle du narrateur omniscient est empêché dans le roman.
           Ce narrateur anonyme est le seul témoin de l’histoire ; au lecteur d’analyser ensuite son .compte rendu. En effet, toutes les conclusions que le lecteur peut tirer quant au tempérament de ce personnage sont liées à ses agissements vis-à-vis de sa femme, aux pensées qu’il nourrit la concernant, aux doutes qui l’étreignent. Jamais le lecteur n’est confronté à une quelconque focalisation extérieure qui lui permettrait de prendre du recul sur le personnage du narrateur, car celui-ci monopolise l’intégralité du point de vue. Ainsi, le lecteur est immergé sous le crâne d’un homme foncièrement et maladivement jaloux, qui n’a pour ainsi dire pas conscience du caractère maniaque de ses penchants. Le narrateur paraît peu présent physiquement, il ne semble pas agir concrètement : la quasi-intégralité de son histoire consiste à épier sa femme, qu’il soupçonne d’entretenir une relation adultère. Par les persiennes des fenêtres, il l’épie, il est constamment présent aux yeux du lecteur tout en se montrant paradoxalement extrêmement discret dans ses actes. Sa présence physique n’est mentionnée que par petites touches successives, discrètes, éphémères : par exemple lorsqu’il évoque la disposition des sièges sur la terrasse, il décrit le troisième, que le lecteur.


 3.        LA MÉSAVENTURE DU PERSONNAGE
     La définition de mésaventure dans le dictionnaire est événement fâcheux ;incident désagréable ;accident qui a des conséquences malheureuses,mais toutefois sans caractère définitif,irréparable.
        Le personnage est une des unités principales du roman. C'est quelqu'un avec qui on s'identifie, qui nous permet de pénétrer dans le roman. Par les personnages, on se reconnaît ou on peut connaître les sentiments des autres personnes. Le personnage nous sert donc à vivre une autre vie, à nous enrichir de nouvelles expériences, vécues seulement dans la fiction, ou pour nous divertir tout simplement, pour suivre une vie différente du nôtre.
          L’un des caractéristiques du Nouveau Roman est aboli le personnage classique du roman. Il refuse l’histoire et le personnage ( le narrateur), il n’accorde pas plus d’importance aux personnages dans l’œuvre narrative.

        Alain Robbe-Grillet, le romancier français, a été un des écrivains, qui ont annoncé la mort du roman classique. Il a été un des premiers, ou un des plus connus, qui n’hésitaient pas à faire des pas décisifs dans l'abandon des règles classiques du roman, de se priver de ces unités de base du roman, dont le personnage. Ses personnages ne sont pas des personnages classiques du tout, il leur manque toujours quelque chose, surtout une caractérisation directe, d'après laquelle on pourrait les imaginer, les fixer. Robbe-Grillet nous complique toujours notre lecture, il ne nous donne pas assez d’informations, et même si nous cherchons et trouvons quelques qualités de nos personnages, il nous reste toujours des taches blanches sur la carte de leur caractère et de leur signification dans le roman.


       Les personnages dans le roman La jalousie (Frank,Christiane, A....,Le mari )ne sont pas en général trop définis, leur physique est décrit de manière plutôt objectale, leur intérieur nous reste caché et nous pouvons seulement deviner la nature de leur caractère par leurs actions, leurs gestes et leur parole.

       Le roman de Robbe-Grillet n'est pas vraiment privé des personnages, de ses sentiments et de leurs caractéristiques, il est au contraire très « humaniste », comme l'affirme aussi son auteur. Il est très subjectif, personnel, et c'est pour cela que nous devons dégager des informations du texte par nous-mêmes, en comprenant qu'il s'agit de la vision tout à fait subjective, qui ne prononce pas des caractéristiques générales, parce que ce n'est pas naturel pour sa vision interne. Il nous dit seulement ce qu'il sait. Le narrateur ne prétend pas être objectif, parce qu'il n'a pas raison de le faire, il existe seulement, il ne raconte pas. C'est à nous de dégager les caractères des personnages du texte et de nous construire et comprendre l'histoire présentée. C'était d'ailleurs une intention de l'auteur. Et par le choix délibéré du l’auteur dans le roman la jalousie, certains personnages sont sans nom(A) certains d’autres sont sans existence physique ( le mari ou le narrateur).
 

4.     Le doute et l'Omission des informations essentielles
               Le nouveau roman comme un refus de la forme traditionnelle du roman et la recherche de nouvelle forme pour le genre romanesque, introduit des nouvelles techniques qui annonce la dissolution des techniques traditionnels. L'un des caractéristiques d'un nouveau roman est l'omission des informations essentielles ou vitale contre le roman traditionnel où le narrateur omniscient donne au lecteur quelques informations essentielles pour lui convaincre à ce qu'on lui raconte.
                Dans La jalousie d'Alain Robbe-Grillet, l'omission des informations essentielles est bien répandu. Dans le roman, il y a beaucoup de questions sans réponse tels que:
-   Qui est le mille-patte dans le roman ?
-   Le lecteur entre dans l'esprit d'un mari jaloux, c'est qui?
-   Il y a bien un trio, A, Christiane, Franck, mais il y a surtout les jalousies   
    par lesquelles le narrateur observe A, c'est qui ?
-   Qui est mort dans le roman? Est ce que c'est assassiné, suicidé ou quoi ?
                A part cette absence d'information sur les évènements,le personnage et le narrateur, il existe aussi l'univers de doute. L'usage de la paronymie (Mot dont la ressemblance avec un autre mot entraîne de fréquentes confusions) exprimant le doute. Cela donne ambiguïté que le locuteur n'est pas tout à fait sûr de ce qu'il énonce. Exemples :
          << La voix de Franck a poussé une exclamation. << Hé là ! C'est 
               beaucoup trop ! >> ou bien : << halte là ! C'est beaucoup trop ! >> 
               ou  << dix  fois trop >>, la moitié trop >>, etc ...( P.45)
               L'emploi du techniques d'affirmation et de négation à l'intérieur de la même phrase dans La jalousie rend le roman très difficile à lire.Par exemple :
     <<    Le personnage principal du livre est un fonctionnaire des douanes.                           
             Le personnage n'est pas un fonctionnaire, mais un employé                                                               
             supérieur d'une vieille compagnie commercial. Les affaires de
             cette compagnie sont mauvaise,elles évoluent rapidement vers
             l'escroquerie. Les affaires de la compagnie sont très bonnes. Le
             personnage principal-apprend-on est malhonnête. Il est honnête,
             il essaie de rétablir une situation compromise par son
             prédécesseur,mort dans un accident de voiture. Mais il n'a pas eu
             de prédécesseur, car la compagnie est de fondation toute récente ;
             et ce n'était pas un accident.Il est d'ailleurs question dun navire
             (un grand navire blanc) et non de voiture. (P.216)
                                   L'histoire est oblitérée dans le Nouveau Roman à cause de la doute et l'absence des informations essentielles par le narrateur.Donc,avec cela le roman est trop difficile à lire.

  5.Complexité structurelle et le primat de la description.
La complexité est définie comme caractère de ce qui est complexe. Robert Griller l'auteur du roman la jalousie refuse de copier les romanciers traditionnel. C'est pour cela qu'il utilise les techniques très dificile d'ecrir son roman.  Ces techniques sont: la complexité de l'intrigue et la primat de la description.  Ces technique se combinent pour rendre presque impossible le développement de l'histoire au sens traditionnel du mot.
D'abord, en ce qui concerne la description dans ce roman, nous des choses et des objets comme si les êtres humaines n'avaient pas d'importance.  L'auteur évite l'emploi des métaphores. Il préfère le vocabulaire qui relève des mathématiques. Citons la description du narrateur dans ce roman:
<< maintenant l'ombre du pilier-le pilier qui soutient l'angle sud-
     ouest du toit divisé en deux parties égales..... >> pg 9.
On trouve ici la description de l'ombre comme si l'ombre est un personnage.
Pour la structure,  dans le roman, il s'agit d'un mari jaloux qui soupçonne sa mari d'avoir un affaire d'amour avec Franck. On constat que le résumer est facile de comprendre. Mais le récits de de ce roman n'est pas aussi simple simples que ce du résumé car ils sont largement obscurcie par une structure à chronologique et un espace temporel insaisissable.  Dans ce roman, il y a une structure répétitive et l'absence de tout repère temporel.  Voilà pourquoi ce roman est très difficile de comprend.

6.LE PERSONNAGE SANS NON
                  Le nom est une marque verbale attribuée à un individu pour le désigner at pour identifier.Selon le dictionnaire larousse de français,le nom est un mot qui sert à designer une personne ou une chose.Dans certains milieux culturels tels en Afrique,le nom que porte une personne peut être le résumé de toute un histoire,ou le reflet de l'expérience d'une famile.
                  Dans le roman,le nom permet au lecteur d'identifier et de reconnaitre les personnages dans le recit.Donne un nom propre à un personnage,c'est l'un des moyens par lesquels l'auteur peut œuvrer vers le réalisme dans le roman.mais assez souvent,le personnage des nouveau roman manque ce bien precieux.un personnage, tout le monde sait ce que le mot signifie. Ce n'est pas un il quelconque, anonyme et translucide, simple sujet de l'action exprimée par le verbe. Un personnage doit avoir un nom propre, double si possible : nom de famille et prénom. Il doit avoir des parents, une hérédité. Il doit avoir une profession. S'il a des biens, cela n'en vaudra que mieux. Enfin il doit posséder un « caractère », un visage qui le reflète, un passé qui a modelé celui-ci et celui-là. Son caractère dicte ses actions, le fait réagir de façon déterminée à chaque événement. Son caractère permet au lecteur de le juger, de l'aimer, de le haïr. C'est grâce à ce caractère qu'il léguera un jour son nom à un type humain, qui attendait, dirait-on, la consécration de ce baptême.
                  Dans Pour un nouveau roman (ensemble d'études écrites entre 1956 et 1963), Robbe-Grillet dénonce les notions, qu'il juge "périmées", de personnage, d'histoire ou d'engagement. Reconnaissant sa dette à l'égard de Sartre ou de Camus, il définit néanmoins le nouveau roman comme une recherche qui ne propose pas de signification toute faite et ne reconnaît pour l'écrivain qu'un engagement : la littérature.
Dans le roman,la jalousie d'Alain Robbe Grillet,Certains personnages sont désignés simplement par leurs prénoms comme s'ils n'ont pas d'affiliation familiare.per exemple franck et christiane.les personnages sont désignés uniquement par leurs initiales comme l'héroine de la jalousie qui est appelée A........ Il ya des personnages du nouveau roman qui ne portent pas de noms.Encore les romans de Robbe Grillet nous fournissent des exemples.Certains autres sont connus par leurs proffession tels le chauffeur indigène.le Nouveau Roman préfère l'exploration des flux de conscience.Devenus anonymes et ambigus,les personnages évoluent du même coup dans une intrigue énigmatique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

  La jalousie d'Alain Robbe Grillet comme un Nouveau roman               Par Idiahi Daniel (Professeur Dan)                    @  monf...